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Forum de la coinche

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Alphabétix

#1926 26/06/2013 19:30:09

helv.elle
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helv.elle
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Re: Alphabétix

Je vous propose les poètes et poétesses

http://nsa33.casimages.com/img/2013/06/26/130626073253479250.jpg

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#1927 26/06/2013 19:40:38

helv.elle
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helv.elle
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Re: Alphabétix

ARAGON Louis

J’arrive où je suis étranger

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Louis Aragon

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
A l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Louis Aragon

http://nsa33.casimages.com/img/2013/06/26/130626074323948813.jpg

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#1928 26/06/2013 20:05:45

carmen
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carmen
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Re: Alphabétix

Charles BAUDELAIRE   (1821-1867)
http://img11.hostingpics.net/pics/395077baudelaire.jpg

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

* * * * * * * * * * *

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.

Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un chœur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !

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#1929 26/06/2013 20:15:23

helv.elle
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helv.elle
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Re: Alphabétix

>>>  Carmen

Manuela

Sur ses joues fripées, on ne voit que ses cernes,
Une barrette bleue retient ses cheveux ternes.
Dans une vieille robe de chambre élimée,
Jane, qui vient enfin d’éteindre sa télé,
Quitte son fauteuil,  traînant ses mules cerise,
Va rejoindre son bureau, sa machine grise…
Devant la porte fermée, sa défroque tombe.
Jane n’est plus, c’est Manuela, une vraie bombe !
« Bonjour ! Coucou ! Bisous ! Kiss ! Bon jeu Manuela ! »
Pour la nuit elle s’installe, son part est là !
Elle passe des heures à jouer, à gagner,
Ou  à perdre, beaucoup, sans se décourager.
Puis au petit matin, elle s’arrête enfin…
Manuela s’en va, voici Jane qui revient.
L’écran est noir, l’avatar s’est évanoui,
Jane tristement, seule, regagne son lit.

http://nsa34.casimages.com/img/2013/06/26/130626081823497040.jpghttp://img15.hostingpics.net/pics/1136010070morphokitraverse.gif

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#1930 26/06/2013 20:35:53

Anonyme
Compte supprimé

Re: Alphabétix

Petit hommage à "Notre" Carmen à qui la lecture de cet extrait de Plain-Chant de Jean COCTEAU  peut être parlera...

Je n'aime pas dormir quand ta figure habite,
La nuit, contre mon cou ;
Car je pense à la mort laquelle vient trop vite,
Nous endormir beaucoup.

Je mourrai, tu vivras et c'est ce qui m'éveille!
Est-il une autre peur?
Un jour ne plus entendre auprès de mon oreille
Ton haleine et ton coeur.

Quoi, ce timide oiseau replié par le songe
Déserterait son nid !
Son nid d'où notre corps à deux têtes s'allonge
Par quatre pieds fini.

Puisse durer toujours une si grande joie
Qui cesse le matin,
Et dont l'ange chargé de construire ma voie
Allège mon destin.

Léger, je suis léger sous cette tête lourde
Qui semble de mon bloc,
Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,
Malgré le chant du coq.

Cette tête coupée, allée en d'autres mondes,
Où règne une autre loi,
Plongeant dans le sommeil des racines profondes,
Loin de moi, près de moi.

Ah ! je voudrais, gardant ton profil sur ma gorge,
Par ta bouche qui dort
Entendre de tes seins la délicate forge
Souffler jusqu'à ma mort.

http://www.artiste-peintre-abstrait.fr/wp-content/uploads/2010/06/jean_cocteau5.jpg

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#1931 26/06/2013 22:14:26

shoune
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shoune
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Re: Alphabétix

Joachim Du Bellay (1522 ; 1560)

Heureux qui, comme Ulysse...

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

http://nsa33.casimages.com/img/2013/06/25/130625022204885394.gif

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#1932 26/06/2013 23:01:26

Anonyme
Compte supprimé

Re: Alphabétix

Paul Eluard

Certitude

Si je te parle c’est pour mieux t’entendre
Si je t’entends je suis sûr de te comprendre

Si tu souris c’est pour mieux m’envahir
Si tu souris je vois le monde entier

Si je t’étreins c’est pour me continuer
Si nous vivons tout sera à plaisir

Si je te quitte nous nous souviendrons
En te quittant nous nous retrouverons.

---

Gabriel Péri

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oublie

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amies
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/auteurs/Audiberti/photos_audiberti/surrealistes.jpg

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#1933 27/06/2013 02:24:30

helv.elle
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Re: Alphabétix

>>> Paul Fort France   1872/1960

http://nsa34.casimages.com/img/2013/06/27/130627022323898142.jpg
http://nsa34.casimages.com/img/2013/06/27/130627022425316654.jpg

http://nsa34.casimages.com/img/2013/06/27/130627022751989830.jpg

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#1934 27/06/2013 11:16:30

carmen
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Re: Alphabétix

Je rougis, Helvelle! Trouver Carmen après Aragon et Charles  Baudelaire, mon poète favori  ! Gros Bisousssss

Charles GUÉRIN

Le lait des chats

Les chats trempent leur langue rose
Au bord des soucoupes de lait ;
Les yeux fixés sur le soufflet,
Le chien bâille en songeant, morose.
Et tandis qu’il songe et repose
Près de la flamme au chaud reflet,
Les chats trempent leur langue rose
Au bord des soucoupes de lait.
Dans le salon, seul le feu glose ;
Mère-grand dit son chapelet,
Suzanne dort sur un ourlet,
Et dans le lait, paupière close,
Les chats trempent leur langue rose.

http://img4.hostingpics.net/pics/902570chaton.jpg

Fernand GREGH

Il meurt sur les plus hautes branches
Un dernier rayon de soleil ;
Le couchant sème d'ors étranges
Le feuillage vert et vermeil.
Au ciel pâle d'où le soir tombe,
Dans l'azur gris couleur des eaux,
Glissent comme des éclairs d'ombre
Les ailes vives des oiseaux.
Il sort un profond et doux charme
De toutes ces choses, sans fin ;
Tout est joyeux, apaisé, calme ;
C'est la vie, où tout est divin...


http://img4.hostingpics.net/pics/328938soir.jpg

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#1935 27/06/2013 14:07:31

Anonyme
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Re: Alphabétix

Victor Hugo...

A la fenêtre, pendant la nuit (Les Contemplations)

Les étoiles, points d'or, percent les branches noires ;
Le flot huileux et lourd décompose ses moires
Sur l'océan blêmi ;
Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite ;
Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,
Comme un homme endormi.

Tout s'en va. La nature est l'urne mal fermée.
La tempête est écume et la flamme est fumée.
Rien n'est, hors du moment,
L'homme n'a rien qu'il prenne, et qu'il tienne, et qu'il garde.
Il tombe heure par heure, et, ruine, il regarde
Le monde, écroulement.

L'astre est-il le point fixe en ce mouvant problème ?
Ce ciel que nous voyons fut-il toujours le même ?
Le sera-t-il toujours?
L'homme a-t-il sur son front des clartés éternelles ?
Et verra-t-il toujours les mêmes sentinelles
Monter aux mêmes tours ?

---

Bêtise de la guerre (L'année terrible)

Ouvrière sans yeux, Pénélope imbécile,
Berceuse du chaos où le néant oscille,
Guerre, ô guerre occupée au choc des escadrons,
Toute pleine du bruit furieux des clairons,
Ô buveuse de sang, qui, farouche, flétrie,
Hideuse, entraîne l'homme en cette ivrognerie,
Nuée où le destin se déforme, où Dieu fuit,
Où flotte une clarté plus noire que la nuit,
Folle immense, de vent et de foudres armée,
A quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu, fumée,
Si tes écroulements reconstruisent le mal,
Si pour le bestial tu chasses l'animal,
Si tu ne sais, dans l'ombre où ton hasard se vautre,
Défaire un empereur que pour en faire un autre ?

--

Voeu (Les Orientales)

Si j'étais la feuille que roule
L'aile tournoyante du vent,
Qui flotte sur l'eau qui s'écoule,
Et qu'on suit de l'oeil en rêvant ;

Je me livrerais, fraîche encore,
De la branche me détachant,
Au zéphyr qui souffle à l'aurore,
Au ruisseau qui vient du couchant.

Plus loin que le fleuve, qui gronde,
Plus loin que les vastes forêts,
Plus loin que la gorge profonde,
Je fuirais, je courrais, j'irais !

Plus loin que l'antre de la louve,
Plus loin que le bois des ramiers,
Plus loin que la plaine où l'on trouve
Une fontaine et trois palmiers ;

Par delà ces rocs qui répandent
L'orage en torrent dans les blés,
Par delà ce lac morne, où pendent
Tant de buissons échevelés ;

Plus loin que les terres arides
Du chef maure au large ataghan,
Dont le front pâle a plus de rides
Que la mer un jour d'ouragan.

Je franchirais comme la flèche
L'étang d'Arta, mouvant miroir,
Et le mont dont la cime empêche
Corinthe et Mykos de se voir.

Comme par un charme attirée,
Je m'arrêterais au matin
Sur Mykos, la ville carrée,
La ville aux coupoles d'étain.

J'irais chez la fille du prêtre,
Chez la blanche fille à l'oeil noir,
Qui le jour chante à sa fenêtre,
Et joue à sa porte le soir.

Enfin, pauvre feuille envolée,
Je viendrais, au gré de mes voeux,
Me poser sur son front, mêlée
Aux boucles de ses blonds cheveux ;

Comme une perruche au pied leste
Dans le blé jaune, ou bien encor
Comme, dans un jardin céleste,
Un fruit vert sur un arbre d'or.

Et là, sur sa tête qui penche,
Je serais, fût-ce peu d'instants,
Plus fière que l'aigrette blanche
Au front étoilé des sultans.

http://pauledel.blog.lemonde.fr/files/2008/05/victor-hugo-1862.1211115914.jpg

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#1936 27/06/2013 14:25:00

carmen
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Re: Alphabétix

Des poètes dont lenom commence par "I", je n'en connaissais pas. J'ai cherché et j'ai trouvé celui-ci, un poète belge ...

Jacques IZOARD -né en 1936, à Liège, décédé le 19 juillet 2008.

Je suis des yeux les autobus effrénés
rouges à l'assaut des montées
prénom de mon prénom Liège ensorceleuse
orageuse orange été de nos meuses
orangeade amère aux soifs d'Outremeuse
les flots verts de l'Ourthe
les nuits de l'Amblève
ou de la place Saint-Jacques ou le pont d'Avroy.


Batte. Ivrognes d'hiver. Ou ivoire ivre.
Batte inventée. Bateau-lavoir des violettes.
Batte invulnérable où la cité dort.
Batte. Averse nue ou nue averse.
Batte: insultes et jurons, jérémiades, débandades.
Batte: instrument aigu des supplices.
Ou sommeil. Inouïe léthargie.
Insensé brasier de paroles.


http://img15.hostingpics.net/pics/433124jacquesizoard.jpg

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#1937 28/06/2013 09:42:23

carmen
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Re: Alphabétix

Souvenir des récitations quand je n'étais qu'une écolière....

Comme je l'aimais ce petit âne !

Francis JAMMES

J’aime l’âne

J’aime l’âne si doux
Marchant le long des houx.

Il prend garde aux abeilles
Et bouge ses oreilles ;

Et il porte les pauvres
Et des sacs remplis d’orge.

Il va, près des fossés,
D’un petit pas cassé.

Mon amie le croit bête
Parce qu’il est poète.

Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.

Jeune fille au doux cœur,
Tu n’as pas sa douceur :

Car il est devant Dieu
L’âne doux du ciel bleu.

Et il reste à l’étable,
Fatigué, misérable,

Ayant bien fatigué
Ses pauvres petits pieds.

Il a fait son devoir
Du matin jusqu’au soir.

Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille...

Mais l’âne s’est blessé :
La mouche l’a piqué.

Il a tant travaillé
Que ça vous fait pitié.

Qu’as-tu mangé petite ?
— T’as mangé des cerises.

L’âne n’a pas eu d’orge,
Car le maître est trop pauvre.

Il a sucé la corde,
Puis a dormi dans l’ombre...

La corde de ton cœur
N’a pas cette douceur.

Il est l’âne si doux
Marchant le long des houx.

J’ai le cœur ulcéré :
Ce mot-là te plairait.

Dis-moi donc, ma chérie,
Si je pleure ou je ris ?

Va trouver le vieil âne,
Et dis-lui que mon âme

Est sur les grands chemins,
Comme lui le matin.

Demande-lui, chérie,
Si je pleure ou je ris ?

Je doute qu’il réponde :
Il marchera dans l’ombre,

Crevé par la douceur,
Sur le chemin en fleurs.


*********

Toujours Francis JAMMES

Je mettrai

Je mettrai des jacinthes blanches
À ma fenêtre, dans l’eau claire
Qui paraîtra bleue dans le verre.

Je mettrai sur ta gorge blanche
Et luisante comme un caillou
Du ruisseau, des boules de houx.

Je mettrai sur la pauvre tête
Du malheureux chien tout rogneux
Qui a des taches dans les yeux

La plus douce de mes caresses,
Pour qu’il s’en aille grelottant
Un tout petit peu plus content.

Je mettrai ma main dans la tienne,
Et tu me conduiras dans l’ombre
Où tournent les feuilles d’automne,

Jusqu’au sable de la fontaine
Que la pluie si douce a troué,
Où se détrempe le vieux pré.

  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
.  .  .  .  .  .  .  .  . La pluie fine
Ma pensée douce comme la bruine.

Je mettrai sur l’agneau qui bêle
Une branche de lierre amer
Qui est noir parce qu’il est vert.

http://img15.hostingpics.net/pics/464572FrancisJammes1925.jpg

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#1938 28/06/2013 14:02:11

Anonyme
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Re: Alphabétix

Yacine Kateb
(Poète algérien, 1929-1989, demeure un symbole de la révolte contre toutes les formes d’injustice, et l’emblème d’une conscience insoumise, déterminée à rêver, penser et agir debout.
Il est le père d'Amazigh Kateb, chanteur des Gnawa Diffusion, qui a mis en musique certains de ses textes)

Flash non détécté
Il est, un plaisir plus doux qu'un poème

Et ce serait de vivre à tes genoux.
Parmi les éclats
De tes jeunes rires
L'on entend siffler
L'oiseau des savanes,

Avec le murmure ailé du zéphyr
Et le chant plaintif des peuples d'amour...
Toi, mignonne aux yeux
Plus noirs que mon âme,
Fais ma place dans ta couche douillette,
Je te chanterai des refrains de feu!...
Au cœur de la rose on meurt de parfums,
Ma lèvre frissonne au vent des baisers...
Plus rouge que sang
Fais couler ta lèvre!

Femme obscure et dont l'œil égale la rancune,
Prends-moi, voici l'instant des mêlées furieuses.
Que se parent de sang nos chairs voluptueuses!
Regarde! Me voici plus pâle que la lune,
Agenouillé devant l'image de ton charme...
J'attends. Et mon cœur passe d'alarme en alarme
C'est l'instant de mon malheur
L'heure
Où Décembre, en sa pâleur,
Pleure.
Mais, quoique toute clameur
Se meure,
En moi ton rire charmeur
Demeure..

----

Pour novembre...

Il est des jeunes bras
Qui sont morts
Tendus vers une mère…

Oh ! Les poitrines fortes,
Les poitrines sanglantes
De ceux qui ont battu le fer,
Pour être vaincus par l’argent !...

Et ces morts qui ont battu pour d’autres…
Et ceux qui sont partis en chantant
Pour dormir dans la boue anonyme de l’oubli.
Et ceux qui meurent toujours
Dans la gaucherie des godillots
Et des habits trop grands
Pour des enfants !

Aux soirs tristes
De mortes minutes,
Il est un gars qui tombe
Et sa mère qui meurt pour lui,
De toute la force de son vieux cœur…

Il est des voitures qui geignent
Et aussi des petits héros qui crient
Leur désespoir de pourrir à l’aurore…

Mais les morts les plus à plaindre,
Ceux que mon cœur veut consoler,
Ce sont les pauvres d’un pays de soleil,
Ce sont les champions d’une cause étrangère,
Ceux qui sont morts pour les autres,
ET POUR RIEN !

http://3.bp.blogspot.com/-335AUaxQovw/UBZyTqHe8MI/AAAAAAAAMTQ/L-gHaXPi3UQ/s1600/Kateb+Yacine+juillet+1986.jpg

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#1939 28/06/2013 14:43:31

carmen
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Re: Alphabétix

Incontournable LAMARTINE

Le lac

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

http://img15.hostingpics.net/pics/370925tlchargement.jpg

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#1940 29/06/2013 10:24:35

carmen
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Re: Alphabétix

Au cours de ma première vie, immanquablement, mes chères petites têtes blondes ou brunes se délectaient de   ses poèmes...

Pierre MENANTEAU

Le vent d’automne

Ah ! ce grand vent, l’entends-tu pas ?
L’entends-tu pas heurter la porte ?
A plein cabas il nous apporte
Les marrons fous, les feuilles mortes.
Ah ! ce grand vent, l’entends-tu pas ?
Ah ! ce grand vent, l’entends-tu pas ?
L’entends-tu pas à la fenêtre ?
Par la moindre fente il pénètre
Et s’enfle et crache comme un chat.
Ah ! ce grand vent, l’entends-tu pas ?
- J’entends les cris des laboureurs,
La terre se fend, se soulève.
Je vois déjà le grain qui meurt,
Je vois déjà le blé qui lève.
Voici le temps des laboureurs

*******

Le chat de gouttière

C’est un chat de gouttière,
Voyageur de la nuit,
Qui sommeille aujourd’hui
Dans la sourde lumière.
C’est un chat de fenêtre,
Qu’un grillage retient.
Il s’éloigne. Il revient.
Il est son propre maître.
A lui le domaine
De ces verts peupliers
Avec leurs escaliers
Qu’il gravira sans peine.
A lui la délicate
Provende des oiseaux,
Belles souris d’en-haut
Qui sautent sur deux pattes.

*********

Divertissement Grammatical

A Tombouctou
Il n'y a pas de Kangourous.
En Afrique, il y a des gnous.
Et chez nous ?
Chez nous on entend les hiboux
Leurs petits sont de vrais bijoux.
On mange la soupe aux choux
Et qui tombe sur des cailloux
Risque de s'écorcher les genoux.
La lettre X est la vieille agrafe
Qui fixe encore l'orthographe
Du pluriel des sept noms en OU
Qu'on énumérait d'un seul coup :
Bijou, caillou, chou, genou, hibou...
Et puis... il y a les joujoux
Que l'on donne aux petits hiboux
Il y aurait même les poux,
Mais ils n'y tiennent pas du tout.

************
Berceuse pyrénéenne
   
Sommeil, viens, viens, viens
Sommeil, viens, viens donc.
Le sommeil s’en est allé
A cheval sur une chèvre ;
Il reviendra demain matin,
A cheval sur un poulain.
Sommeil, viens, viens, viens
Sommeil, viens, viens donc.

http://img15.hostingpics.net/pics/747139menanteau.jpg

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#1941 29/06/2013 10:34:11

carmen
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Re: Alphabétix

Un grand Romantique ... Gérard de Nerval (1808-1855)   

Artémis
La Treizième revient... C'est encor la première ;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ...

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement :
C'est la Mort - ou la Morte... Ô délice ! ô tourment !
La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.

Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule,
As-tu trouvé ta Croix dans le désert des cieux ?

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos Dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux !

********
Avril
Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d'azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; -
Et rien de vert : - à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m'ennuie.
- Ce n'est qu'après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l'eau.


*********
Dans les bois
Au printemps l'oiseau naît et chante :
N'avez-vous pas ouï sa voix ?...
Elle est pure, simple et touchante,
La voix de l'oiseau - dans les bois !

L'été, l'oiseau cherche l'oiselle ;
Il aime - et n'aime qu'une fois !
Qu'il est doux, paisible et fidèle,
Le nid de l'oiseau - dans les bois !

Puis quand vient l'automne brumeuse,
il se tait... avant les temps froids.
Hélas ! Qu’elle doit être heureuse
La mort de l'oiseau - dans les bois


http://img15.hostingpics.net/pics/960201nerval.jpg

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#1942 29/06/2013 10:43:07

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Re: Alphabétix

René de OBALDIA

... des générations d'enfants ont récité, en semaine, son

Dimanche ...

Charlotte fait de la compote
Bertrand suce des harengs
Cunégonde
Se teint en blonde.
Epaminondas
Cire ses godasses
Thérèse
souffle sur la braise.
Léon
Peint des potirons
Brigitte
S'agite, s'agite.
Adhémar
Dit qu'il en a marre.
La pendule
Fabrique des virgules.
Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi ze ne bouze pas
Sur la langue s'ai un chat.

******************
Je vous en propose quelques autres

You spique angliche ?

You spique Angliche ?
Faut être drôlement fortiche.
Pour parler anglais,
La langue du bridge !
Une langue du porridge !
Beaucoup de son et peu de lait.
Avec des mots comme ça on passe partout
A Zanzibar à Tombouctou
Chez les Mongols et chez les Sioux
Avec des mots comme ça
On peut partout
Manger de la soupe aux choux
L’anglais, c’est aussi l’américain
ça vaut le coup
De se donner un peu de tintouin.
En Amérique pour parler anglais
On vous colle du chewing-gum tout au fond du palais
En Chine, pour parler anglais, on vous coupe la langue et on vous la remet.

****************************

Le secret

Sur le chemin près du bois
J’ai trouvé tout un trésor :
Une coquille de noix
Une sauterelle en or
Un arc-en-ciel qu’était mort.
À personne je n’ai rien dit
Dans ma main je les ai pris
Et je l’ai tenue fermée
Fermée jusqu’à l’étrangler
Du lundi au samedi.
Le dimanche l’ai rouverte
Mais il n’y avait plus rien !
Et j’ai raconté au chien
Couché dans sa niche verte
Comme j’avais du chagrin.
Il m’a dit sans aboyer :
" Cette nuit, tu vas rêver. "
La nuit, il faisait si noir
Que j’ai cru à une histoire
Et que tout était perdu.
Mais d’un seul coup j’ai bien vu
Un navire dans le ciel
Traîné par une sauterelle
Sur des vagues d’arc-en-ciel !

http://img15.hostingpics.net/pics/579697OBALDIA2.jpg

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#1943 29/06/2013 13:43:13

Anonyme
Compte supprimé

Re: Alphabétix

Benjamin Peret

UN NUAGE SANS AME

Un arbre sans tronc erre au-dessus de ma tête
Une pierre molle se dissout dans ma main dont les lignes
vont pêcher à la rivière
Quatre-vingt-dix ans s’effacent comme le sillage d’un navire
et la foule sans pieds ni tête rentre dans sa tanière
tandis que le veau gras braille une quelconque ritournelle
Où l’on regrette les mots trop bas qui griffent les visage
et parfois arrachent les yeux pour tarir les larmes
Où donc va se cacher cet arbre sans tronc qui erre au-dessus
de ma tête
si ce n’est dans une caverne qui éclate sous la pression du
soleil levant
et s’il ne se cache pas comme une fortune toujours mal acquise
où va-t-il si ce n’est au rendez-vous que lui a donné une
trombe de diamants
prête à s’effondrer sur une parade sans lendemain
montée pour des spectateurs usés comme une pierre ponce
frottée sur une lime
si usés qu’ils ne retrouveront jamais le chemin de leur maison
depuis longtemps effacée comme un œil pinéal
depuis longtemps évaporée comme une goutte de rosée au
sommet d’un brin d’herbe
qui se secoue en songeant que la corvée est terminée pour
aujourd’hui
sans s’apercevoir qu’un regard en enseigne de coiffeur
le contemple avec la béatitude d’une bigote avalant une
hostie en mouron rouge
parce qu’il promet une belle journée

--

POUR DEMAIN

Lève la tête vers le ciel peuplé de tortues
Si tu vois sur leur dos un éventail agité
tu découvriras ta femme dans la lune
Brise une incisive à un portier galonné
pour entendre prophétiser les beaux jours qui t’attendent

Si ton chien chante à mi-voix
on volera ta vaisselle

Si ta table murmure des imprécations
Arrose-la de lait frais pour éviter la peste

Le vent qui dessine une étoile filante dans le sable
annonce ta prochaine détention
si tu ne brûles pas le drapeau de ton pays

Tatoue sur la joue de ta mère le signe de Saturne
et tu comprendras la fin et le commencement

Rase soigneusement un lion rauque
pour découvrir la voix du corbeau

Fais pleurer un bulbe de lys
en jouant du violon
nu devant un grand feu qui fascine un scorpion
et ta cervelle se multipliera

Mais ne tue sous aucun prétexte
un canard à bec rouge

Ta peau effervescente se soulèverait
pour laisser s’enfuir à jamais tes paroles sages

http://m.presseocean.fr/sites/default/files/imagecache/mobile-detail/2012/08/08/16_fi_5.jpg

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#1944 29/06/2013 14:15:00

shoune
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Re: Alphabétix

Raymond Queneau


Pour un art poétique

Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir’ comme des oeufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d’innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
A écrire Vraiment ? A écrire ?

Raymond Queneau

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Un poème

Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu’on les aime
pour écrire un poème
on ne sait pas toujours ce qu’on dit
lorsque naît la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d’autres fois on pleure on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kékchose d’extrème
un poème

Raymond Queneau

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
L’inspiration

De son juchoir
la poule laisse choir
un oeuf
c’est une imprudence
un moment d’absence
mais il tombe pouf
dans la paille :
la fermière était prévoyante
combien de poèmes brisés
que ne recueille aucun recueil.

Raymond Queneau

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

http://nsa33.casimages.com/img/2013/06/25/130625022204885394.gif

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#1945 29/06/2013 14:21:18

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Re: Alphabétix

Pour la lettre Q , voici le maître incontesté : Raymond Queneau (21 février 1903 – 25 octobre 1976)
Ma sélection ne peut pas ne pas commencer par "Un poème ..."

Nos messages se sont télescopés, shoune, et puisque tu l'avais choisi
ainsi que l'inspiration, .... j'ai corrigé !


L’écolier

J’écrirai le jeudi j’écrirai le dimanche
Quand je n’irai pas à l’école
J’écrirai des nouvelles j’écrirai des romans
Et même des paraboles
Je parlerai de mon village je parlerai de mes parents
De mes aïeux de mes aïeules
Je décrirai les prés je décrirai les champs
Les broutilles et les bestioles
Puis je voyagerai j’irai jusqu’en Iran
Au Tibet ou bien au Népal
Et ce qui est beaucoup plus intéressant
Du côté de Sirius ou d’Algol
Où tout me paraîtra tellement étonnant
Que revenu dans mon école
Je mettrai l’orthographe mélancoliquement

**********


La fourmi et la cigale

Une fourmi fait l’ascension
D’une herbe flexible
Elle ne se rend pas compte
De la difficulté de son entreprise
Elle s’obstine la pauvrette
Dans son dessein délirant
Pour elle c’est un Everest
Pour elle c’est un Mont Blanc
Ce qui devait arriver arrive
Elle choit patatratement
Une cigale la reçoit
Dans ses bras bien gentiment
Eh dit-elle point n’est la saison
Des sports alpinistes
(Vous ne vous êtes pas fait mal j’espère ?)
Et maintenant dansons dansons
Une bourrée ou la matchiche.


http://img15.hostingpics.net/pics/745605RaymondQueneau.jpg

Dernière modification par carmen (29/06/2013 14:24:18)

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#1946 29/06/2013 16:53:50

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Re: Alphabétix

Jean Racine  Andromaque

Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance.
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J’étois né pour servir d’exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien ! je meurs content, et mon sort est rempli.
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien il faut que je me noie ;
L’un et l’autre en mourant je les veux regarder.
Réunissons trois cœurs qui n’ont pu s’accorder.
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m’environne ?
De quel côté sortir ? D’où vient que je frissonne ?
Quelle horreur me saisit ? Grâce au ciel, j’entrevoi.
Dieux ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !

http://nsa34.casimages.com/img/2013/06/29/130629050201810945.jpg

Quoi ? Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermione l’embrasse ?
Elle vient l’arracher au coup qui le menace ?
Dieux ! quels affreux regards elle jette sur moi !
Quels démons, quels serpents traîne-t-elle après soi ?
Hé bien ! filles d’enfer, vos mains sont-elles prêtes ?
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
À qui destinez-vous l’appareil qui vous suit ?
Venez-vous m’enlever dans l’éternelle nuit ?
Venez, à vos fureurs Oreste s’abandonne.
Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione :
L’ingrate mieux que vous saura me déchirer ;
Et je lui porte enfin mon cœur à dévorer.

Dernière modification par helv.elle (29/06/2013 17:01:00)

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#1947 29/06/2013 19:01:37

carmen
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Re: Alphabétix

Léopold SÉDAR SENGHOR (9/10/1906 – 20/12/2001)

Femme noire

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au coeur de l’Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.


* * * * * * * * * *

Frère blanc

Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?

* * * * * * * * * *

Masque nègre

Elle dort et repose sur la candeur du sable.
Koumba Tam dort. Une palme verte voile la fièvre des cheveux, cuivre le front courbe.
Les paupières closes, coupe double et sources scellées.
Ce fin croissant, cette lèvre plus noire et lourde à peine – ou’ le sourire de la femme complice?
Les patènes des joues, le dessin du menton chantent l’accord muet.
Visage de masque fermé à l’éphémère, sans yeux sans matière.
Tête de bronze parfaite et sa patine de temps.
Que ne souillent fards ni rougeur ni rides, ni traces de larmes ni de baisers
O visage tel que Dieu t’a créé avant la mémoire même des âges.
Visage de l’aube du monde, ne t’ouvre pas comme un col tendre pour émouvoir ma chair.
Je t’adore, ô Beauté, de mon œil monocorde!

* * * * * * * * * *

Le totem

Il me faut le cacher au plus intime de mes veines
L’Ancêtre à la peau d’orage sillonnée d’éclairs et de foudre
Mon animal gardien, il me faut le cacher
Que je ne rompe le barrage des scandales.
Il est mon sang fidèle qui requiert fidélité
Protégeant mon orgueil nu contre
Moi-même et la superbe des races heureuses …

http://img15.hostingpics.net/pics/849521images8.jpg

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#1948 29/06/2013 19:07:47

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Re: Alphabétix

Jules Supervielle

C'est vous quand vous êtes partie

C'est vous quand vous êtes partie,
L'air peu à peu qui se referme
Mais toujours prêt à se rouvrir
Dans sa tremblante cicatrice
Et c'est mon âme à contre-jour
Si profondément étourdie
De ce brusque manque d'amour
Qu'elle n'en trouve plus sa forme
Entre la douleur et l'oubli.
Et c'est mon cœur mal protégé
Par un peu de chair et tant d'ombre
Qui se fait au goût de la tombe
Dans ce rien de jour étouffé
Tombant des autres, goutte à goutte,
Miel secret de ce qui n'est plus
Qu'un peu de rêve révolu.

Jules Supervielle

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Encore frissonnant

Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.

Jules Supervielle

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Figures

Je bats comme des cartes
Malgré moi des visages,
Et, tous, ils me sont chers.
Parfois l'un tombe à terre
Et j'ai beau le chercher
La carte a disparu.
Je n'en sais rien de plus.
C'était un beau visage
Pourtant, que j'aimais bien.
Je bats les autres cartes.
L'inquiet de ma chambre,
Je veux dire mon coeur,
Continue à brûler
Mais non pour cette carte
Q'une autre a remplacée :
C'est nouveau visage,
Le jeu reste complet
Mais toujours mutilé.
C'est tout ce que je sais,
Nul n'en sait d'avantage.

Jules Supervielle

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#1949 29/06/2013 21:35:43

carmen
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Re: Alphabétix

Voilà l’occasion de faire des découvertes : un poète que je ne connaissais pas et dont, ma foi, j’ai bien aimé ces petites  contrerimes.

Contrerimes - Paul-Jean TOULET

Avril dont l’odeur

Avril, dont l'odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure.
Ah, verse le myrte à myrtil,
L’iris à Desdémone :
Pour moi d’une rose anémone
S’ouvre le noir pistil.

* * * * *
Toi qu’empourprait l’âtre

Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver
Comme une rouge nue
Où déjà te dessinait nue
L’arome de ta chair ;
Ni vous, dont l’image ancienne
Captive encor mon cœur,
Île voilée, ombres en fleurs,
Nuit océanienne ;
Non plus ton parfum, violier
Sous la main qui t’arrose,
Ne valent la brûlante rose
Que midi fait plier.

* * * * *
Iris, à son brillant mouchoir

Iris, à son brillant mouchoir,
De sept feux illumine
La molle averse qui chemine,
Harmonieuse à choir.
Ah, sur les roses de l’été,
Sois la mouvante robe,
Molle averse, qui me dérobe
Leur aride beauté.
Et vous, dont le rire joyeux
M’a caché tant d’alarmes,
Puissé−je voir enfin des larmes
Monter jusqu' à vos yeux

* * * * *
Dans le lit vaste et dévasté

Dans le lit vaste et dévasté
J’ouvre les yeux près d’elle ;
Je l’effleure : un songe infidèle
L’embrasse à mon côté.
Une lueur tranchante et mince
Échancre mon plafond.
Très loin, sur le pavé profond,
J’entends un seau qui grince...

* * * * *
Pour une dame imaginaire

Pour une dame imaginaire
Aux yeux couleur du temps,
J’ai rimé longtemps, bien longtemps :
J’en étais poitrinaire.
Quand vint un jour où, tout à coup,
Nous rimâmes ensemble.
Rien que d’y penser, il me semble
Que j’ai la corde au cou.

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#1950 30/06/2013 01:14:49

Anonyme
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Re: Alphabétix

GIUSEPPE UNGARETTI que je connaissais pas  d'ailleurs:

http://nsa33.casimages.com/img/2013/06/30/mini_130630014754114117.jpg

Giuseppe Ungaretti – Secret du poète (Segreto del poeta, 1950)

Je n’ai pour amie que la nuit.
Avec elle, toujours je pourrai parcourir
De moment en moment des heures, non pas vides,
Mais un temps que je mesure avec mon cœur
Comme il me plaît, sans jamais m’en distraire.

Ainsi, lorsque je sens,
Encore s’arrachant à l’ombre,
L’espérance immuable
À nouveau débusquer en moi le feu
Et le rendre en silence
À tes gestes de terre
Aimés au point de paraître, lumière,
Immortels.

***

Giuseppe Ungaretti (1888-1970) – La Terre promise (La Terra Promessa, 1950) – Traduction Philippe Jaccottet

Dernière modification par boudu30 (30/06/2013 01:44:41)

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